Faut-il viser la classe A ou B à tout prix ?

Illustration d’un logement en rénovation : faut-il viser la classe A ou B DPE

Écrit par Loïs

Anciennement chercheur en mathématiques appliquées, j'investis aujourd'hui tous mes efforts dans la compréhension du fonctionnement des bâtis, des matériaux et du DPE afin de conseiller au mieux les particuliers et investisseurs dans leurs projets.

18 août 2025

Viser la classe A ou B au DPE, est-ce toujours une bonne idée ? Et est-ce réellement la réponse adéquate à nos besoins ? Nous tentons d’y répondre dans cet article.

Le DPE n’est pas un marqueur du confort de l’habitant.

Il est fréquent de discuter avec des personnes affirmant qu’ils aimeraient améliorer leur classe DPE pour améliorer leur confort [1], ce que certains appellent aussi la volupté thermique [2,3]. Ou même observer des diagnostiqueurs et auditeurs énergétiques mettre en avant cet argument pour vendre leurs services. Ce que nous pensons fermement à Rénovation Optimale est que le DPE ne prédit PAS le confort de vie des habitants à l’usage de leur bien. Si nous pouvons admettre qu’un mauvais DPE (F ou G) pourrait être vecteur d’inconfort, l’inverse n’est pas vrai. Un bon DPE ne présage jamais en lui-même un sentiment de bien-être dans le logement. Exemplifions-le simplement.

20 cm de laine de verre en toiture est optimal pour le DPE en raison de sa bonne résistance thermique, le seul critère pris en compte pour les isolants dans ce diagnostic. Cependant, cet isolant est factuellement incapable de protéger efficacement les habitants de la chaleur en été. Cela est dû à son faible déphasage, qui correspond au temps nécessaire pour que la chaleur le traverse. Avec un déphasage d’environ 4 heures pour une épaisseur de 20 cm, si le soleil frappe la toiture à 10h, la chaleur pénétrera dans le logement à 14h, provoquant un inconfort tangible pour les occupants. Bien que la laine de verre améliore de façon optimale la note du DPE grâce à sa bonne résistance thermique, elle est inadaptée aux défis posés par la surchauffe climatique actuelle en raison de son déphasage insuffisant, un facteur non pris en compte dans le DPE.

L’amortissement

On peut couramment voir affiché dans des DPEs ou audits énergétiques des montants colossaux de travaux pour atteindre la classe A ou B. Il convient donc de se poser la question :

Est-ce que les économies d’énergies à l’usage de mon bien après travaux amortiront le coût de ma rénovation ?

Quand nous voyons des montants de 60K de travaux pour une estimation des réductions de 1000€ des dépenses annuelles en énergie après travaux, un savant calcul mathématique nous permet de conclure qu’il faudra 60 ans pour que soit amorti le coût de la rénovation. Autrement dit, jamais. Pire, les systèmes mis en place ne tiendront jamais 60 ans : la pompe à chaleur tiendra 20 ans si elle est robuste, et les isolants 40 ans s’ils sont végétaux et dans les meilleures conditions. Leurs remplacements seront nécessaires, avec tous les coûts économiques additionnels que cela engendrera. A cela devront indéniablement s’ajouter les coûts écologiques de leur mise en place et de leur remplacement en prenant en compte leur consommation en énergie grise.

Le coût de l’énergie grise

L’énergie grise “est la quantité d’énergie consommée lors du cycle de vie d’un matériau ou d’un produit : la production, l’extraction, la transformation, la fabrication, le transport, la mise en œuvre, l’entretien et enfin le recyclage, à l’exception notable de l’utilisation” [4]. Isolant, pompe à chaleur, ventilation double flux, panneaux photovoltaïques… chaque système mis en place pollue en l’appréhendant dans son cycle de vie complet (et c’est précisément ce que mesure l’énergie grise). L’on doit alors se demander si les réductions de consommations énergétiques que nous permettent de réaliser ces systèmes compenseront l’énergie grise consommée pour leur mise en oeuvre. La réponse n’est pas du tout évidente [5]. Il se pourrait que dans certains cas, à l’instar de l’adage qui dit que “la meilleure énergie est celle que l’on ne consomme pas”, le meilleur matériau soit celui qu’on n’utilise pas (quand cela est pertinent après étude préalable, bien sûr). C’est pourquoi l’approche d’une rénovation raisonnable pourrait nous éviter l’écueil de la sur-performance écologiquement contre-productive, ainsi que l’écueil financier d’une rénovation lourde.

Le DPE ne juge pas la qualité de la mise en oeuvre des travaux et des matériaux.

Le diagnostiqueur établit son DPE sur la base de ce qu’il voit ou des éléments qu’on lui donne (factures, photos, etc.) [6]. Son rôle n’est donc pas de vérifier la bonne mise en oeuvre d’une isolation en s’assurant que les ponts thermiques aient bien été traités, ou que l’étanchéité à l’air à travers la pose d’un frein-vapeur ait été correctement réalisée. Si preuve d’un isolant il y a, le DPE considèrera de facto que sa mise en oeuvre est optimale, et l’amélioration de la note maximale s’ensuivra. Pourtant, une mauvaise réalisation de ces éléments amèneront certainement des pathologies dans le logement et un inconfort pour les habitants. De même, le DPE renseigne la présence ou l’absence d’une VMC, pas son bon fonctionnement. Nous pouvons parfaitement avoir un DPE excellent avec une VMC défectueuse et des pathologies liées à l’humidité qui se développe, entraînant un inconfort certain.

Conclusion

Finalement, le DPE est un élément parmi d’autres à prendre en compte. Appréhender une rénovation d’un bien qu’à travers l’amélioration de son DPE nous semble réducteur et non optimal. Utilisons le DPE pour ce qu’il est : une estimation potentielle des consommations d’énergie et des émission de GES d’un logement, ce qui est déjà très bien. Mais ne faisons pas dire au DPE ce qu’il ne dit pas. De la même manière que nous n’utilisons pas une cuillère pour couper du tofu, nous ne devrions pas utiliser le DPE pour présager du confort des habitants. A chaque objet sa fonction…

Références :

[1] Claude Lefrançois, Les clés du confort thermique écologique. Bien s’informer pour bien décider. Terre vivante, 2021.

[2] Lisa Heschong. Architecture et volupté thermique. Editions Parenthèses, 1981.

[3] https://podcast.ausha.co/habitats-futurs-2050/002-la-sobriete-energetique-c-est-fantastique-avec-pascal-lenormand-incub

[4] https://fr.wikipedia.org/wiki/Énergie_grise

[5] Jean-Pierre Oliva et Samuel Courgey. L’isolation thermique écologique: conception, matériaux, mise en oeuvre: neuf et réhabilitation. Terre vivante, 2023.

[6] Diagnostic de Performance Energétique (DPE) – Guide à l’attention des diagnostiqueurs. Version 2023

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